Réflexions

Fragments. 12 avril 2022.

couleurs

Voici le texte que j’ai écrit pendant l’atelier d’écriture de l’Atelier des mères : Ecrire la couleur. Merci Alice d’avoir porté cet espace. Je ne savais ce que j’allais y écrire. Et puis les mots sont arrivés. Comme d’habitude. Je vous les donne pour qu’ils vivent leur vie. Et je dois peut-être y mettre un TW. Ça parle d’une partie d’un accouchement. Le mien.

Rouge

Rouge. Comme ce jour où d’un seul coup, 10 médecins se sont retrouvés autour de moi. Étaient-ils vraiment 10, je ne sais plus. Madame, vous êtes en train de faire une hémorragie. Comme si j’avais voulu retenir ce jour de toutes mes forces. Arrêter le temps pour ne pas être transpercée de cette épée qu’il m’avait placée au dessus de la tête. La vie partait de moi. Juste après l’avoir donnée. Comme si mon corps savait qu’il n voudrait jamais de cette prison. Rouge, les draps rouges, la vue brouillée. Madame, madame, ça va aller. Votre petit garçon est magnifique. Comment leur dire ? Comment leur dire que le spectateur de mon accouchement est aussi mon fossoyeur ? Je voudrais qu’il parte. Qu’il n’ait jamais été présent. Comment peut-on être si cynique pour demander à être présent sans être d’aucune aide dans un de moments les plus forts et les plus violents de la vie d’une femme? Rouge comme ma colère aujourd’hui de m’être laissée faire. D’avoir été si gentille. De l’avoir cru. “Je déciderai de ce que je ferai à la naissance d’Azad.” Cette phrase, aujourd’hui et depuis 3 ans, elle est marquée au fer rouge dans mon corps.

Noir

Noir. Comme le trou dans lequel se sont envolés 3 ans de ma vie. J’ai vieilli avant l’heure. La prison éteint. Je peux m’estimer chanceuse de ne pas être complètement devenue folle. Enfin pour l’instant. Je vais avoir 40 ans et ça me travaille. Pourquoi mes années 30 n’ont elles pas été folles et remplies de joie. Je l’étais probablement trop. Joyeuse. Si joyeuse, qu’il a fallu m’enfermer pour tenter de me faire taire. Ça a marché. Un peu. Mais c’était mal me connaitre. J’ai hurlé. Comme cette louve qui rassemble les siens. Comme cette mère à qui on arrache son bébé. J’ai hurlé. Comme cette louve blessée que je suis devenue en devenant maman. Par la force des choses. Ce qu’il ne sait pas, c’est que depuis ma prison, je m’évade. Je panse mes plaies. Je soigne ce trou béant dans mon dos, laissé par la marque de ses flèches. Dans cette prison, j’ai rencontré la sorcière. La guérisseuse qui est en moi. Celle qu’on a vainement tenté d’éteindre. Et voilà que je danserai à faire éclater ces murs. Que ce noir, deviendra lumière. Ne sous-estimer pas la force de l’amour d’une mère. Dans mon noir, j’ai construit un soleil pendant que je guérissais. Mon bébé qui rayonne. C’est mon tour maintenant.

Blanc

Blanc. Comme la page que je dois écrire pour vivre. Celle qui vient après le dernier tome qu’il a déchiré et piétiné. J’ai cherché mes stylos de couleurs. Je n’en ai trouvé qu’un noir. Mais j’ai aussi retrouvé des aquarelles. Avec joie. Cette page, elle sera colorée. Ce n’est pas une promesse. C’est une certitude. Elle a déjà des couleurs. Celles des fleurs qui m’entourent. Celles de quelques personnes qui n’ont pas fui, aussi. Celles de mon fils qui rayonne. Et celles qui m’appellent vers un ailleurs. Elle aura la couleur de mes larmes, de mes peurs, si nombreuses au quotidien. Mais elle aura aussi ma couleur. La mienne. Celle qui marque. Qui fait que je suis unique et une bonne personne. Celle qui ne m’a pas trahit et qui me guide malgré tout dans ce tunnel. Oui, la maternité, la façon dont je suis devenue mère m’a bouleversée. Et je me bats encore avec elle. Et dans ce combat, je ne veux pas être seule. Ma couleur, n’est pas une couleur. C’est un prisme. Comme cette nouvelle page que je suis en train d’écrire.

Bleu

Bleu. Comme ces parenthèse que tu m’offres. Toi que je ne connais pas ou à peine. Et qui m’envoie des ciels et de la montagne. Tu ne le sais pas mais je te remercie tant. Je les colle sur les murs de ma prison et ils me donnent de la force. Ces montagnes majestueuses que tu m’envoies, c’est la puissance et l’humilité en même temps. Si je sais bien que j’ai la seconde, j’ai tant besoin de la première. Alors merci à toi le montagnard, de m’offrir ces petits bouts de ça en ce moment.