S’il y a bien un sujet ambivalent pour plein de mamans, c’est l’allaitement. Celles qui font ce choix, celles qui doivent renoncer, celles qui regrettent l’un ou l’autre choix, celles n’ont pas osé, celle qui arrêtent forcées etc etc. C’est compliqué. Ça touche au corps de la femme, à la vision de ce corps proposée par notre société, aux questions de santé de l’enfant, de lobby industriels etc etc. Pas de débat ici, chacune fait ce qu’elle peut comme elle peut. (Avec en bonus dans l’idéal, être soutenue sans faille par le deuxième parent.)
Le projet
Au début de ma grossesse, je ne savais pas si j’allais allaiter. A part ma maman, je ne me souvenais pas d’exemples d’allaitement récents autour de moi. Difficile de me projeter, d’autant plus que j’ai un rapport à mon corps assez négatif. Cette incertitude s’est transformée peu à peu en “je ne sais pas si je vais y arriver mais je vais essayer.” Sans me mettre de pression particulière, j’ai donc décidé que j’allais allaiter. Et puis j’ai mis de côté cette pensée… Jusqu’au choc de l’abandon, où j’ai décidé que je n’y penserai pas et que je verrai bien comment ça se passe au fur et à mesure.
La réalité
Puis quand mon petit garçon est arrivé, que j’ai senti son petit corps contre moi pour la tétée d’accueil, je ne sais plus trop ce que j’ai pensé. Sans doute rien. J’étais dans un tel état second que c’est la louve qui a pris le dessus. J’ai voulu que ça se passe bien. J’ai voulu allaiter. Cela n’a pas été simple tout de suite. Montée de lait tardive (J+8), baisse importante du poids du bébé, vérification des positions d’allaitement etc. bref, à la maternité je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Au tire-lait, je n’avais rien. J’ai du donner des compléments. Ma chance, être bien informée et soutenue par des mères-veilleuses à défaut de mon mari. Comme je ne voulais pas lui donner de biberon, j’ai utilisé un dispositif avec une petite sonde que j’introduisais dans sa bouche avec mon petit doigt juste après la tétée. J’avais un peu peur que cela empêche l’allaitement mais je le mettais aussi au sein le plus souvent possible. De toute façon, il se réveillait pour réclamer.
De mon allaitement à la maternité, je me rappelle surtout de 2 moments importants : une pédiatre qui m’a dit de ne pas m’inquiéter parce que tout était là pour que ça fonctionne, que ça allait marcher, et puis une infirmière de nuit, qui m’a indiqué de donner “la dose” de compléments pour sortir vite de la maternité et faire ce que je voulais chez moi. Elle m’avait dit ça en rigolant devant mon air dépité, mais je pense qu’elle m’a bien aidée avec ça.
Les f****** pics de croissance
Sur les conseils d’une amie puéricultrice, je n’avais pas acheté de biberon en avance. Elle m’avait prévenue aussi qu’un allaitement c’est long à se mettre en place. Environ 3–4 semaines. Elle m’avait aussi prévenue que certains jours, appelés des pics de croissance, servaient aussi à adapter la production de lait et qu’il ne fallait pas hésiter à passer en mode “open tétée”, d’une part pour que le bébé s’apaise plus vite, et d’autre part pour que la stimulation de la lactation soit optimale.
Je n’étais pas prête. J’ai morflé. Personne ne peut le ressentir. Personne ne l’a vu. Puisque personne n’était là H24. Mais j’ai cru que ce qui restait de moi allait exploser. En tous cas les 3 premiers pics m’ont prises au dépourvu. Sur les autres, j’avais prévu de quoi manger, pas de sortie, pas de visite. Juste moi, mon bébé, ma détresse et le plus possible de ma bienveillance restante, envers moi et envers mon bébé. Je me rappellerai toujours de moi à cette période, je VOIS les images. Et si je me voyais maintenant, je ne me reconnaitrais probablement pas. Epuisée, à bout, apeurée, en larmes permanentes, une sorte de zombie. J’essayais juste de me dire “ça va passer”. Heureusement que j’avais derrière moi un formidable cercle de mères, les fameuses veilleuses. ❤ Je leur dois tant. Sans elles, je n’aurais pas tenu mon allaitement.
#allaiterpartouttoutletemps
Et puis, “ça” s’est mis en place. On a trouvé une sorte de rythme, on s’est compris. Et puis, j’ai eu son premier regard. La magie de ce corps de femme qui continuait. L’alchimie. Et puis, je me suis raccrochée à ce lien que je tissais avec lui. Progressivement, l’allaitement est devenu une évidence. J’allaiterais tant que je pourrais. Je n’y croyais pas trop dans la durée car je sais que l’allaitement est très connecté au stress ambiant. Et en matière de stress, j’ai bien été servie. Mais j’ai allaité partout. Dans le train, dans les parcs, sur ma chaise, dans mon lit, dans la salle d’attente du médecin … Petit à petit, j’ai décidé de rester en allaitement exclusif jusqu’à ses 6 mois et le début de la diversification. Puis jusqu’à ses un an. Puis. Il y a eu le confinement… et j’allaite toujours. Oh il n’y a plus que les tétées du matin et du soir. Et probablement bientôt que celle du soir. Mais j’allaite toujours. Et je ne sais pas quand je vais arrêter. Une partie de moi se dit que j’ai rempli ma mission. Je lui ai donné ce que j’ai pu à travers cet allaitement d’une année, je peux commencer à m’arrêter. A nous arrêter. Mais l’autre partie de moi n’est pas prête.
Jusqu’à quand?
Alors je me pose plein de questions. En moi-même, par rapport à l’image que j’ai de moi, comment je me vois, est-ce que j’en ai marre, est-ce que c’est une construction sociale, est-ce que je peux lui imposer ça alors que ça fait partie de sa construction, comment j’arrête, comment on fait quand on est toute seule ? Etc etc. Une chose est sure pourtant, arrêter d’allaiter, c’est s’exposer à la chute d’hormones. Et c’est violent. Depuis plus d’un an, je “flotte” dans une sorte de bulle de prolactine qui aplanit les ressentis négatifs, qui me fait dormir d’un sommeil réparateur même s’il est court ou entrecoupé, qui me connecte avec mon bébé. Sans doute que paradoxalement, cet allaitement m’a aussi aidé à traverser cette année si difficile.
Sevrer, ce n’est pas seulement sevrer le bébé. C’est aussi sevrer cette maman que je suis devenue, de cette hormone du bonheur, de cet état auquel je ne fais plus trop attention, toute habituée que je suis. Alors pour toutes ces raisons/questions, j’ai peur d’arrêter. Je passe déjà par des états de dépression et un moral en dent de scie. Et la perspective de cette chute d’hormones n’augure rien de bon. Comme j’ai peur, je continue sur le mode “on verra”. On pourrait dire aussi que je ne choisis pas, que je fais l’autruche. C’est possible. Je choisis déjà tellement pour tout. Tout le temps. Alors en attendant, je profite de ces moments là.
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Pour l’allaitement, il y a ce livre vraiment super : Le manuel très illustré de l’allaitement, ainsi que sa déclinaison pour les prématurés, Le guide d’allaitement pour les prématurés.(Pour ma part, je suivais le compte tt.en.tt sur Instagram, tenue par l’autrice.)