Réflexions

It’s so f****ing hard.

18 mois que je suis prise en otage. 18 mois que je vis une vie à double face. Ecrire pour (se) libérer un peu.

Cela fait un bail que je n’ai pas écrit ici, et ça me fait un peu peur d’ailleurs. La dernière fois, je venais raconter que j’avais plein de projets, que j’avais hâte, que j’étais prête. La dernière fois, j’étais enceinte et pleine de joie, confiante dans cet avenir incertain, qui serait chamboulé par son arrivée. Deux mois plus tard et une épée de Damoclès au dessus de la tête, je vivais la pire trahison de mon existence. Aujourd’hui je peux le dire, la réalité, c’est que je n’étais pas prête. Du tout.

Photo : Amandine Gimenez

Je n’étais pas prête pour les trahisons, je n’étais pas prête pour les mensonges, je n’étais pas prête pour le bouleversement, je n’étais pas prête à accoucher seule et élever seule un bébé. Je n’ai jamais voulu cela. Et c’est sans doute ce qui me mine le plus. Le cheminement pour avoir un enfant a été long pour moi et je m’en veux probablement d’avoir été trompée. Parce que la responsabilité d’un enfant, c’est à vie. J’ai cru qu’on avait de belles choses à transmettre et qu’on avait notre part à faire peut-être aussi comme cela… et je me suis trompée sur toute la ligne. Parti vivre à 500km dès la naissance, “il” n’a aujourd’hui plus rien de beau à transmettre… et je me suis retrouvée seule.

La matrescence

Bien sûr, je n’étais pas prête à affronter le tsunami lié à la naissance d’une maman. Qui peut s’en targuer a bien de la chance. Je sentais bien que “des choses” allaient changer et j’étais prête à l’accepter, à l’embrasser puisque j’étais accompagnée par lui. Puisqu’il était avec et derrière moi. Mais quoi ? Comment ? Je ne savais pas répondre à cette question. J’avais un peu peur et confiance en même temps. Aujourd’hui la parole se délie et, grâce notamment aux excellents podcasts comme La Matrescence, Bliss stories ou même Papatriarcat ou encore le compte insta “Postpartum ta mère” et bien d’autres (mille mercis à eux ❤ ), il est possible d’être un peu mieux armé.e.s pour (se) décider. Ma confiance aveugle en lui, en nous et en la famille qu’on avait choisi aura eu raison de moi. Si la maternité m’a changée, la maternité solo m’a détruite.

Je suis donc en transition vers une autre version de moi-même, une version où je dois trouver de nouveaux repères sans renier ceux qui faisaient mon socle. Une version où je dois repartir de 0 alors que je me sentais à ma place. Une version où je n’ai pas le temps de me reconstruire “proprement” puisque je participe à la construction d’un autre. Une version où je construis un nous quand j’aurais tant eu besoin de (re)construire un moi. Mais, étant le seul point de repère de mon petit garçon depuis sa naissance, je ne me sens pas le droit de lui faire subir un autre abandon. Il a déjà donné.

La fatigue, les (petites) victoires, la vie.

Si je reprends la plume aujourd’hui, c’est parce que je mets une énergie folle à construire ce nous, sans y trouver trop de sens. Je suis à l’opposé de la vie que je voulais. Je suis à l’opposé du mode de garde que j’imaginais. Je suis à l’opposé de la vie sociale et active que j’imaginais. Je suis à l’opposé de tout ce qui a participé à ma réflexion pour avoir un enfant.

Pourtant je continue tant bien que mal à me battre pour ce en quoi je crois, pour l’éveiller et lui offrir le plus de clés possibles pour la suite. Ecologie, écosystèmes, bienveillance, environnement, vivant. Avec plein d’incohérences puisque mes projets de vie sont repartis 10ans en arrière, avec plein de compromis aussi puisque être maman solo dès la naissance c’est affronter un quotidien qui ferait peur à n’importe qui. Avec des petites victoires quand même — mais on ne mentionnera pas à quel prix.

Ces victoires, je me dis qui si j’y arrive, avec toutes mes contraintes et ma vie brisée en plein vol, ça vaut peut-être le coup de les partager. Gardez juste en tête de les lire ou les voir avec le prisme d’une maman solo abandonnée avant l’accouchement.

La crise sanitaire et le premier confinement ont rajouté beaucoup de fatigue et de lassitude à celle qui était déjà bien présente. Ne pas dormir, manger froid la plupart du temps, ou en fractionné, prendre une douche sur le pouce, dès qu’on peut, trouver une occupation safe et agréable pour lui pendant ce temps, rester bienveillante en toute circonstance autant que faire ce peut, lui offrir l’autonomie et la sécurité affective suffisante pour qu’il puisse découvrir par lui-même, craquer, rester humaine, s’effondrer, sentir le cumul de la fatigue et le point de non retour pas si loin…

La vie avec un nouveau-né qui devient un petit garçon met à l’épreuve. On me dit que je suis forte, on me dit que j’ai du courage. Cela ne veut rien dire. Moi je sais que je n’en ai pas. J’essaye simplement d’adoucir et de ralentir l’impact dévastateur d’une décision égoïste et destructrice. Pour lui au quotidien. Et pour moi par l’écriture.

A très vite j’espère.