Maternité

Le cri.

Putain de vie.

J’ai toujours à moitié secrètement rêvé de faire un marathon un jour. Je ne me croyais pas capable, ni de fournir l’effort d’entrainement nécessaire, ni d’être capable le jour J. Problème de confiance en moi, problème d’image, problèmes d’éducation plus profonds que ça, je ne sais pas. En tous cas, je m’auto-bridais tout en rêvant quand même.

Photo de Samuel Silitonga provenant de Pexels

Spoiler alert, ça fait 18 mois que je cours un marathon. Le plus long de toute ma vie. Celui que je n’aurais jamais pu imaginer et, si on m’avait prévenu à l’avance, celui que j’aurai fui le plus loin possible. 
Ça fait 18 mois que j’ai accouché. 
Ça fait 18 mois que je suis maman solo. 
Ça fait 18 mois qu’il m’a laissée tomber sans prévenir pour d’autres sirènes plus attirantes. Je rectifie, ça fait 18 mois qu’il *nous* a laissé tomber. 
Spoiler alert #2. Je ne suis probablement pas encore dans le mur des 30 km mais je pense m’en rapprocher à mesure que le terrible two s’approche et oh comme je le vois venir déjà celui là…

Peut-on courir jusqu’à en mourir ? Je ne sais pas, je n’espère pas même si je sens bien mes forces qui s’amenuisent et qu’il y aura forcément des conséquences de tout ça.

A la question qu’on me pose tout le temps “est-ce que tu es bien entourée” ? Ben … non en fait. Tu as beau avoir une famille proche, un cercle d’amis bienveillants… il n’y a pas cette putain de personne qui est censée te relayer/soulager au quotidien parce qu’il a participé à l’étape construction de l’enfant, AKA ici, le papa. Alors oui, ponctuellement j’ai de l’aide. Un peu. Mais tu sais quoi ? Je sens bien qu’au bout de 18 mois, les gens passent à autre chose, et ont aussi envie que je passe à autre chose. Sauf que. C’est impossible. Je n’y arrive pas. Sorry. Déso pas déso. Je suis en burn-out.

Je cours un putain de marathon toute seule. Depuis 18 mois.

Je me bats contre la dépression, contre l’envie de tout laisser tomber, contre des moulins aussi. J’y ai mis toutes mes armes, tout mon coeur aussi et mon intelligence de survie. J’ai coupé à contre coeur tout ce que je ne pouvais pas faire alors que je vois mes copines maman faire plein de trucs. Je les envie tellement putain. Je fais déjà tellement pour survivre que je ne peux pas vivre. Tout ce que je fais, c’est pour lui. Ma seule fierté : il est en pleine forme, c’est un petit garçon qui rit, qui est curieux et qui apprend si vite. S’il pouvait dormir la nuit aussi ça m’arrangerait hein. Mais bon, on ne peut pas tout avoir. Ah si, quand on a une certaine notoriété on peut. Il suffit de ne pas mentionner qu’on a un enfant qu’on a abandonné dans ses premiers jours de vie et compter sur le fait que je ne porterai pas au public. Comme il est parti là où personne ne connaissait sa vie d’avant, pas de question, pas de problème. Un enfant ? Où ça ?

Photo de Vladislav Vasnetsov provenant de Pexels

Dans mon marathon, j’ai aussi rajouté des petits obstacles pour corser un peu le tout. Il y a la responsabilité, la culpabilité, la matrescence, l’éducation, les nuits sans sommeil, les choix, la pression financière, la solitude, la pression de devoir demander de l’aide ou d’appeler au secours, la sensation d’étouffement permanent, l’ambivalence de toute cette maternité et j’en passe…

Et puis celui qui n’avait pas prévenu : le covid et son confinement, la fin du contact corporel. Pas de câlins depuis si longtemps. Pas d‘accolade, pas de pleurs sur l’épaule. Juste la “distanciation sociale” et la trouille instillée chez beaucoup. Comment ne pas craquer ? Ce n’est pas possible. Alors j’ai décidé que je ne me tairais plus. Je vais crier.