Le 13 mai 2020, en plein confinement-déconfinement, j’ai écrit dans un article : “Dans mon monde idéal, je pourrai me reconvertir en tant que sage-femme, fleuriste et prof de yoga.”
Presque un an plus tard, je suis fière de moi. Je suis fleuriste, j’ai repris — un peu — le yoga et je vais me former prochainement pour devenir doula l’année prochaine. C’est fou. C’est… Je n’ai pas vraiment de mot. Je relis tout ce que j’ai écrit en 2020, ailleurs, de façon anonyme ou dans mes carnets et je suis si fière. Tout est vrai, tout est sincère, tout est humain. De la part d’une humaine en mille morceaux mais qui a des idéaux, des valeurs, une ligne. Fleuriste et doula. C’est moi aujourd’hui. Créer et participer. Créer et accompagner. Beauté et beauté. Ephémère et fragile. Je vois tellement tellement de liens et d’associations. Parce que devenir maman — dans ces conditions — m’a transformée et que j’accepte cette transformation, parce que la création a toujours fait partie de ma vie.
Dis comme ça, tout parait limpide, clair, logique. Et pourtant, rien n’est simple. Rien. Ni le quotidien, ni les décisions, ni les contradictions. Un pas après l’autre. Essayer d’être patient malgré l’urgence. Accepter qu’on ne peut pas être de tous les combats. De ne pas mener des batailles partout. Semer des petites graines, les arroser, les chérir, les voir murir et grandir.
Changer de vie ?
2020 porte ses fruits. Oui. Cette année qui fut rude à de nombreux points de vue. L’année où peut-être paradoxalement, il a fallu apprendre à s’écouter dans le chaos dehors. Repérer des signes de trop, de peur, de joie, d’espoir. C’est l’année aussi où pour ceux qui le pouvaient (matériellement, psychologiquement et intellectuellement) l’idée de changer de vie est devenue pressante. Très pressante. Pour tout un tas de raison qui sont propres.
Malheureusement pour moi, je ne peux pas partir en claquant des doigts. Je n’en ai pas le droit à moins de contraintes que je ne suis pas capable d’accepter. À moi donc de retrousser mes manches et façonner ma route. Pierre après pierre. C’est si long. Cela me rappelle la construction de ce mur en pierres sèches chez mes chers amis d’Etika Mondo. C’est long, mais quand c’est bien construit, le rôle est immense. Voilà encore un enseignement de mon séjour là-bas. (D’ailleurs, si ça vous tente, les inscriptions sont ouvertes pour les stages de cet été.)
Semer ces graines, c’est aussi pour moi oser assumer. Assumer mes faces. 2020 est passée par là et m’a forcée a me (re)dessiner. Parce qu’avancer sans savoir où je vais, je ne sais pas faire. Cela m’épuise. Et pour savoir où aller, j’ai besoin de savoir qui je suis maintenant. Faire un pas de côté par rapport à cette maman que je vois dans des états que je n’aurais jamais pu envisager. Ce pas de côté, je l’ai fait en écrivant. Sans vraiment le matérialiser, sans lui donner d’objectif. En écrivant dans un safe space ce qui m’arrivait, ce que je ne comprenais plus, ce que je faisais, ce que je voulais. Le cerveau a fait le reste. Intégrer, digérer, accepter, avoir peur, se lancer.
Après 10 ans de comm, me voilà fleuriste. Comme la première pierre de ma nouvelle route. Ou plutôt la 2e. La première étant le fait d’être devenue maman. Et, pour la première fois depuis 2 ans, j’entrevois un chemin. Un peu comme le chemin que tracent les chamois à flanc de montagne, un peu comme les escaliers de Poudlard qui s’alignent pour créer la voie. Je vois les morceaux. Il y en a de ma vie d’avant et il y en a de nouveaux. Oh il n’a pas l’air simple ce chemin, mais il est là.
Prendre soin
Prendre soin de la terre et prendre soin des autres (et plus particulièrement des femmes) : voilà qui je suis aujourd’hui. Fleuriste c’est l’étape 1 pour entamer un virage. L’étape actionnable rapidement pour sortir, créer, lever les yeux, respirer et j’espère prochainement tirer quelques revenus. Prendre de soin de la terre. Ça veut dire aussi travailler dans un environnement respectueux et travailler à être de plus en plus nombreux à comprendre cela. Et des fleuristes et floriculteurs dans cette démarche, il y en a des fabuleux. Je veux en être. Faire à mon échelle. J’ai aussi envie de cultiver mes fleurs. J’ai 1000 idées autour. Mon défi étant de les faire coller avec ma réalité.
Et puis y a l’autre face. Le “soin” des autres et surtout des femmes. Le côté de moi qui voulait faire une formation de sage-femme. L’idée sans doute d’être utile dans n’importe quel contexte. N’importe quel endroit. Impossible pour autant de rentrer dans le parcours classique des 3 ans à l’école. Alors, le pas de côté, c’est doula.
Le jour de l’ouverture des inscriptions pour l’école Quantik doula m’a plongé dans un grand tourbillon avec beaucoup d’hésitations. D’un côté on pourrait dire que le timing n’est pas idéal (je suis déjà engagée dans un processus de reconversion, j’ai pas vraiment les moyens etc.) et d’un autre côté, qu’il est parfait parce que le temps en ce moment est tellement suspendu que… c’est peut-être quand même le moment de préparer l’après. C’est aussi assumer quelque part que je suis double. Je l’ai toujours été. Je le sais depuis longtemps mais les cases dans lesquelles on doit se ranger font que je me suis longtemps forcée à choisir.