Réflexions

Qu’est-ce que j’ai ressenti en 2020. Le bilan, partie 2.

Après le bilan des apprentissages, un bilan plus émotionnel. Parce que je crois profondément qu’il faut ré-humaniser notre environnement. Et parce que mettre des mots sur des émotions, comme le dit mon amie Claire, c’est les apprivoiser. Elles sont là, elles sont légitimes, elles disent quelque chose de nous et de nos besoins. Pas facile à écrire mais ça me donne envie de le refaire et a posteriori, j’aurais bien aimé avoir ceux des années précédentes.

“Et puis, nommer c’est faire exister et rendre légitime. Nous vivons mieux avec ce que nous connaissons !”

Claire Schepers

Un peu de contexte

Après une année 2019 chaotique — mon mari a décidé de partir vivre sa vie ailleurs à une vitesse telle qu’elle fut une violence en soi, juste avant la naissance de notre enfant– 2020 n’a pas démérité avec sa pandémie mondiale. Pendant le confinement saison 1, j’ai gardé mon fils de moins d’un an le jour et travaillé la nuit. Si 2019 m’avait laissée exsangue, j’ai bien cru que ce confinement allait m’achever. Encore aujourd’hui, je garde des séquelles de cette période -très- sombre. L’accumulation sans doute. J’ai beau être une personne stable et équilibrée, s’occuper d’un nouveau né toute seule et gérer une séparation inattendue et violente dans un moment de vulnérabilité extrême, tenter de travailler quand les nuits sont chaotiques et que le relai quotidien n’est pas là, stresser de voir ses finances fondre comme neige au soleil et gérer en même temps un déménagement-emménagement dans un appartement vide. Bref ce 1er confinement arrive là-dessus et tout explose. Alors quand en plus, je me suis rendue compte que l’aide de l’état ne me serait pas accordée car je n’avais presque rien gagné en 2019, j’ai frôlé la catastrophe. Bref, 2020 semblait toute tracée pour suivre la direction de l’année précédente. Je ne sais pas par quel miracle, je suis aujourd’hui debout et que mon petit garçon va bien, très bien même. Pétillant, curieux, affirmé, vif et surtout surtout, plein de vie et de rires. Enfin si, je sais. Tout a un prix. Voici 8 ressentis de cette année plus que chaotique.

L’amour

L’amour inconditionnel pour mon petit garçon. Si sa naissance a eu pour cadre un chaos émotionnel pour moi, si encore aujourd’hui, je ne suis pas en paix avec ça ni le fait que j’élève un enfant seule (et toutes les responsabilités qui vont avec ainsi que toute la perte de liberté qui va avec), je l’aime sans me poser de questions. Le voir grandir, changer, apprendre et passer de grands caps, cela m’émerveille. C’est juste beau. Et moi qui pleure pour un rien (hypersensibilité bonjour!) j’ai souvent les yeux humides !

Je crois que si j’ai été capable aussi de lui donner cela malgré tout, c’est aussi parce que mes parents — en premier — ont réussi à bien remplir mon réservoir d’amour et même si j’ai senti en 2020 qu’il était bien vidé, il suffit maintenant d’un petit “maman” en courant vers moi pour que la jauge remonte. Et heureusement ! L’étape des 2 ans qui se profile ne va pas être de tout repos… quand on sait qu’appuyer ou ne pas appuyer sur un simple bouton de porte peut tourner au drame absolu et tempête émotionnelle (frustration, colère, déception, impuissance et que sais-je encore….) Souhaitez-moi bonne chance ! 🙂

Crédit Photo : Amandine Gimenez Photographie

Lassitude extrême

Choisir pour tout et tout le temps. Pour deux personnes dont un bébé. C’est usant. Même s’habiller devient compliqué. C’est le début d’une spirale infernale où tout prend de l’énergie et rien ne fait aller «mieux». La fatigue s’accumulant avec le temps, c’est un aller simple vers le burn out. Voilà pourquoi laisser une mère seule pendant la grossesse ou avec son bébé à peine né ne devrait jamais arriver et surtout, ne pas être considéré comme «normal».

«Il faut un village pour élever un enfant.»

proverbe africain

Je trouve cette affirmation si vraie, la question maintenant que les familles sont si éclatées géographiquement, c’est “comment (re)créé-t-on un tel village pour entourer la jeune mère.

Aujourd’hui, tous les choix que j’ai fait vis à vis de ma maternité collent avec les valeurs qui me sont chères et que j’essaye de sauvegarder au maximum, même si ma situation de vie a radicalement changé. Ce n’est pas reposant mais c’est au moins satisfaisant parce que parfois, oui, je n’ai pas choisi la voie de la facilité. Allaitement, maternage proximal, portage, DME, motricité libre, bienveillance au maximum… J’en parlerai peut-être une autre fois. Si j’ai pu faire ces choix là, c’est aussi parce que j’ai la chance de faire partie d’un groupe de femmes merveilleuses qui me permet de voir/ apprendre / choisir de façon éclairée. Et cela m’a terriblement aidé quand j’étais dans le noir.

Je ne me suis jamais sentie aussi seule

Jusqu’à ce que je *le* rencontre, je n’ai jamais craint la solitude. Je l’ai même expérimentée, longtemps. Et puis, *il* est arrivé dans ma vie, on a fait des rêves, bâti des projets, grandi, évolué. On s’est engagé, on s’est marié, les projets continuaient et je nous voyais indissociables. (Je n’étais pas la seule d’ailleurs). D’autant que cela avait l’air réciproque. C’était merveilleux. Lorsqu’il est parti brutalement, je me suis retrouvée seule. Dans ma vie, dans mes choix, dans mes nuits, dans ma maternité.. Si elle est toujours difficile à accepter, cette solitude là, disons que je vis maintenant avec depuis près de 2 ans.

La pandémie est arrivée dans ce contexte là, avec ses interdictions qui ont signifié pour moi :

  • La fin des interactions sociales de proximité. Par écran ou téléphone, il est plus facile de (se) cacher. Cela introduit une distance, un manque de sincérité qui me gêne.
  • L’arrêt des rencontres avec d’autres adultes dont je me nourris habituellement. Avec le fait de n’être cantonnée qu’au rôle de mère et de ménagère, je me suis sentie régresser, devenir nulle, inintéressante, oubliée.
  • La fin des contacts physiques. Plus d’embrassades, de marques d’amour, de câlins de réconfort. C’est simple, ce n’est qu’en août que quelqu’un m’a pris dans ses bras. J’ai fondu en larmes de réaliser physiquement à quel point cela me manquait en plus de ressentir le fait que je ne pouvais plus m’abandonner, me reposer. Il le sait, je lui suis extrêmement reconnaissante.

Le trop plein

Je pense que le pire est passé. Le pire a eu lieu pendant ce confinement saison 1 et jusqu’à l’été voire peut-être au 2e confinement même si ça allait mieux je crois. Ça ne s’est pas beaucoup vu. C’était invisible pour la majorité puisque la plupart du temps en 2020, comme beaucoup, j’étais seule. Pas vraiment de vie sociale, personne pour voir la détresse d’une mère shiva au bout du rouleau.

Mes parents tous les jours au téléphone, les consultations téléphonique de ma psy et les longs messages/ras-le-bol aux amis ont sans doute aidé à ne pas sombrer complètement. S’ajoute à cela, le fait que je ne m’autorisais pas à flancher pour mon bébé. Abandon, confinement, absence de vie sociale soudaine… Que de changements pour lui. J’ai voulu compenser.

Cette année -extrêmement dure- pour moi, correspond en même temps à celle qui pose les bases de sa construction, sa sécurité affective, de sa confiance dans le monde qui l’entoure et dans ses capacités à lui. Horreur. Alors j’ai serré les dents. J’ai pris des décisions. Et si aujourd’hui il y a encore des relents réguliers de tout ça, je regarde devant. Sans doute aussi parce que depuis la fin de l’année… il n’y a plus qu’1 à 2 réveils par nuit, voire des nuits complètes de temps à autres. (Victoire ! Ceux qui savent… savent.)

“Quand on vit une parentalité où notre enfant à des difficultés de sommeil, on passe par des états mentaux de détresse absolue.”

Cécile Doherty Bigara, autrice de “Nouvelle mère” dans le podcast “La Matrescence”

La gratitude envers moi-même

En 2020, j’ai du faire un choix en plus, dont je me serai peut-être bien passée mais qu’il devenait urgent d’écouter. Je veux parler ici de ma vie professionnelle. Cela fait quelques années maintenant que je sais que je veux changer de voie. J’en avais déjà parlé ici d’ailleurs mais mon projet initial de tiers lieu, demande un temps et une énergie que je n’ai plus. Pour autant, je ne peux plus rester dans cette seule activité actuelle de communication. Le confinement n’a pas été une révélation sur mon métier. Même si j’essaye vraiment d’y mettre du sens, je pourrais bien le classer dans les bullshit jobs. Paradoxalement, pendant le confinement saison 1, je croulais sous le travail..

Fin 2019, j’avais lancé un projet de reconversion en tant que fleuriste. Cela faisait partie d’un projet à moyen terme et j’avais décidé de l’avancer. Aujourd’hui, je me dis que ce n’était peut être pas le meilleur timing mais ce choix, c’est le premier que j’ai fait pour moi depuis l’abandon. Et pour cela, même si le quotidien lié est dur, je me remercie. La suite m’a montrée que tout pouvait s’aligner quand j’avais les capacités et les conditions pour pouvoir m’écouter.

Ancrage, équilibre, circulation d’énergie.

La honte d’être une charge

Devoir demander tout le temps. Dès que je souhaite faire quelque chose qui ne rentre pas dans les horaires de la nounou, où qui nécessite mon attention complète, ou mes deux bras. Commencer plus tôt, finir plus tard. Ce n’est rien et pourtant c’est une logistique de dingue. Babysitter, demande autour, finance, balance, renoncement. Alors quand avec un caractère un peu indépendant et généreux, c’est…difficile. Tu apprends à dire oui en sachant que tu ne pourras pas rendre, tu essayes de te dire que ce n’est pas par pitié mais parce qu’on veut t’aider, tu dis merci et parfois- souvent, tu refuses. Parce que c’est trop dur, parce que tu ne veux pas déranger, parce que tu te mets des barrières, parce que ta vie est déjà assez compliquée comme ça.

La gratitude envers les autres

J’éprouve souvent de la gratitude. 2020 n’a pas dérogé à la règle. Ouf ! Mes parents, Elisabeth, Floriane, Boris, les mères-veilleuses, les copain.ine.s fleuristes et d’autres… à leurs manières, consciemment ou non, ils et elles m’ont bien aidée dans cette drôle d’année là et pour ça, je les remercie. ❤

Confiance et bienveillance : “One step at a time”

Pas facile cette année de faire confiance au lendemain. De ne pas se juger. D’accepter ce qu’on est et ce qu’on fait. Et pourtant quand je regarde en arrière, je n’ai pas honte. J’ai fait ce que j’ai pu avec ce que j’avais à ma disposition. Je ne m’en sors pas trop mal si on ne prend pas en compte les montagnes russes du moral et des émotions liées à l’accompagnement d’un petit qui lui, est justement en train de les découvrir, ses émotions.

Roue des émotions de Robert Plutchik

Au fur et à mesure que l’année a avancé, j’ai semé des petites graines qui j’espère continueront de fleurir en 2021 et m’aideront à démêler un fil encore bien emmêlé pour la suite.

Et mon intention pour 2021 ?

Re-vivre. Retrouver un chemin qui me correspond dans ce nouvel axe qui m’a été imposé. Ré-aligner. Recentrer sur l’essentiel. Je vais essayer tout du moins.