Maternité

Lettre à mon petit bébé #1

Mon tout petit,

Tu as déboulé dans ma vie alors que j’étais en Corse l’été dernier, en 2018. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais plus fatiguée que d’habitude pendant cette belle randonnée qu’on a faite avec des amis. La réponse est venue un peu plus tard. Tu étais dans mon ventre et cette fois-ci, tu avais décidé d’y rester. Quand je l’ai annoncé à ton papa. Il a eu l’air heureux. Je dis “il a eu l’air” car finalement, je n’en sais rien, je ne sais plus. Je me suis jurée de ne jamais te mentir alors voici quelques mots pour toi. Parce que cela va faire un an et que je ne comprends toujours pas. Parce que je t’aime le plus fort du monde.

Crédit photo : Amandine Gimenez Photographie

Savoir que mon corps a été capable de fabriquer un cocon pour que tu grandisses m’émerveille. Pendant que je mangeais je fabriquais un bébé, pendant que je dormais, je fabriquais un bébé, pendant que je travaillais, je fabriquais aussi un bébé. Quelle machine extraordinaire. Quelle poésie. Je trouve même aujourd’hui qu’il y a quelque chose de magique. Alors que les jours passaient et que mon ventre s’arrondissait, je marchais beaucoup, au rythme de mon bola, cette petite perle qui tintait contre toi. Et tu sais, on en a fait des kilomètres tous les deux. A Paris, en Corse, à la montagne, en Auvergne… Puisque je n’avais plus vraiment le droit de faire du sport pour te préserver, j’ai marché, plus doucement, plus essouflé mais je ne me suis pas arrêtée. Je me rappellerai toujours d’ailleurs, de ces 15 kilomètres le 4 ou le 5 janvier 2019. J’ai souffert sur la fin, c’était sans doute un peu trop, mais que veux-tu j’étais avec deux hommes qui n’avait pas la mesure de ce que sont 6 mois de grossesse. Parmi eux, il y avait ton papa.

Savoir que mon esprit et mon corps ont créé une protection si forte pour toi quand, alors que tu étais dans mon ventre depuis 8 mois et demi, ton papa m’a dit à demi-mot qu’il allait partir, pour faire sa vie sans nous alors que je ne m’y attendais pas une seconde, m’émerveille. Il y a là encore une sorte de magie que seule les mamans peuvent tisser. Je ne savais pas que j’étais capable de cela. Mais aujourd’hui, quand je te vois, je sais que je t’ai protégé de cette violence, de ce traumatisme si terrible pour moi, ta maman qui était en train de naître. A la minute où tout a été bouleversé, je suis devenue ta maman. La maman-louve qui fait tout pour protéger ses petits même si elle est blessée à mort.

Je n’ai jamais voulu tout ça, que je vais résumer par “être maman solo”. Mais je n’ai pas eu mon mot à dire. Ton papa a décidé seul sans tenir compte ni de toi, ni de nous. Je lui ai demandé de t’attendre, je lui ai demandé d’être un papa. Il n’en a pas été capable et il est parti à 500km de nous. De cela, j’en suis désolée. Pendant qu’il m’imposait sa liberté, je me suis sentie enfermée dans une prison. Si j’ai voulu t’avoir toi, c’est bien et uniquement parce que j’étais amoureuse de lui, très fort, et que je pensais qu’on serait capable de t’offrir la famille que tu mérites si fort. Alors me retrouver seule avec toi reste encore très difficile au quotidien même si je fais tout pour que tu ne le vois pas. Ce n’est pas à cause de toi que c’est difficile, tu n’es qu’un tout petit, tu n’as rien demandé et tu es si mignon. Non, c’est qu’en partant à ce moment là de notre vie, il a détruit mon monde, écroulé mes rêves et m’a condamnée pendant au moins quelques années à ne plus être celle pour qui j’ai travaillé si dur. Indépendante, libre de mes choix, optimiste et heureuse. Voilà qui est ta vraie maman.

Le jour de ta naissance a été l’un des plus difficile de ma vie. Ton papa était là, mais n’était pas avec moi. Il attendait juste de te voir. Il ne m’a pas accompagnée. Dans ses yeux, dans son corps, je n’existais déjà plus et cette épreuve de mettre au monde un bébé, qui demande un amour et un don de soi immenses, je l’ai vécue seule. Je t’ai accompagné du mieux que j’ai pu et toi, tu as été parfait. Ce jour là, en fait, c’est toi qui m’a accompagnée. On est venu au monde ensemble toi, mon bébé et moi, ta maman. Ce 24 avril 2019, je n’étais plus rien d’autre que ta maman.

Si j’écris ces quelques lignes aujourd’hui, c’est parce que je ne me rappelle plus beaucoup des détails de ton arrivée à cause de toute cette pression autour de ta naissance et de l’hémorragie. J’étais si fatiguée. Je crois que ma tête tournait aussi. Je me rappelle juste avoir pleuré quand je t’ai vu. Pleuré parce que tu étais si beau. Pleuré parce je savais que ton papa allait partir. Pleuré parce qu’on ne serait jamais la famille que j’aurais voulu qu’on soit. Pleuré parce qu’on ne rirait jamais à trois.

Et pourtant, mon tout petit, tu es la plus belle rencontre de ma vie.

Je t’aime le plus fort du monde.

Maman